Arrivée du Général des Forces Spéciales Flamandes

Le Baron Noir avait suivi le chemin qu'on lui avait indiqué sur un plan, pour parvenir au pied du Château de Nantes. C'était la première fois qu'il venait ici et il n'était pas certain d'être au bon endroit. A tout hasard, il demanda au garde :

Bonjour Soldat.
Auriez-vous l'amabilité de vous renseigner, afin de savoir si l'un des Maîtres de ces lieux est disposé à me recevoir.

Dans une grande bâtisse comme celle-là, il devait y avoir un tas de monde. Des Bretons, essentiellement, qui ne connaissaient rien de l'Enfant Terrible des Flandres. Ils le regarderaient probablement de travers, se demandant ce qu'un Seigneur de Guerre tout en noir pouvait bien faire en ce lieu. Si ce n'est chercher misère. Il revint sur sa question laconique et précisa :

Je pense que le dénommé MonsieurPatate devrait pouvoir vous dire où je dois être conduit.

Le Sanguinaire avait donc été convié par personne interposée. Sans vraiment savoir ce qu'on attendait de Lui.

C'est une jolie petite blonde qui accueillit le Général et celui-ci en fut ravi. Les Bretons connaissaient donc déjà son goût pour les jolies demoiselles à la chevelure platinée. Il reluqua ses courbes aussi discrètement que possible. Mais ce Seigneur de Guerre était tout sauf discret. Affichant un sourire niais à l'attention de la blonde intendante, il la remercia.

Merci, Marie. Vous êtes bien mignonne. Attendons alors le Vicomte de Lanion. Et servez-moi l'une de vos boissons alcoolisées.

De sa main, il l'arrêta tout de suite, pour rectifier :

Mais pas de bière! La vôtre est une horrible pisse. Je me contenterai de votre espèce de breuvage au miel là, avec un nom imprononçable pour un Flamand.

Le Sanguinaire avait cette franchise provocante, parfois mal perçue. Cela lui valait régulièrement des ennuis, dans son pays, mais encore plus à l'étranger où on n'était pas habitué à son franc-parler et ses manières cavalières.

Me ferez-vous le plaisir de boire en ma compagnie, Marie?

Le Général draguait déjà l'intendante. Sur un malentendu, il avait peut-être une chance. C'est alors qu'il vit apparaître un émigré.

Brezhonneg!?

Si ce n'était lui, cela devait être un descendant. La même bouille.

Je viens à Nantes pour...

Sourire. Pas question d'en dire davantage. De toute façon, le Breton connaissait bien les Forces Spéciales Flamandes. Il savait dès lors que si leur Général se pointait ici personnellement, ce n'était pas pour goûter l'infâme chouchen.

Il y avait toujours eu toutes sortes de personnes aux portes du château de Nantes,
des jeunes, des vieux, des gros, des cons, des malpolis, des indésirables, des gueux et des couronnés...
Ce jour là, Maï était tombé sur un rustre. Encore un homme d'arme qui ne croisait une donzelle que trois fois l'an;
et qui pensait qu'avec des «Vous êtes bien mignonne» il gagnerait le droit de lui mettre une main aux fesses.
Ne laissant rien paraître de son agacement, la belle allait s'éclipser quand il l'arrêta dans son élan.

Mais pas de bière! La vôtre est une horrible pisse.

Les bretons ont-ils une tête à boire de la biere?
Il doit confondre avec ces abrutis de normand...

Je me contenterai de votre espèce de breuvage au miel là...

C'est du chouchen, messire.

Sa voix trahi un peu la tension de la demoiselle.
Elle le regarde la déshabiller du regard sans aucune discrétion.

Me ferez-vous le plaisir de boire en ma compagnie, Marie?

Elle aime les hommes qui ont des manières,
Elle aime les hommes qui savent se tenir,
Elle n'aime pas qu'il l'appelle par son prénom.
C'est une familiarité qu'elle ne tolère pas venant de lui.
Peu importe qui il est...

C'est «Madame» je vous prie.
On a pas garder les vache ensemble pour le moment.

Le ton était polie, sans aucune forme d'agressivité.
La blondine a du caractère et aime à respecter l'étiquette. Elle est vassale du Grand-duc après tout.
Et le « mignonne » est toujours coincé en travers de sa gorge lorsque le Bréhatin fait son apparition.
Qu'Aristote bénissent les Bréhatins, ils arrivent toujours au bon moment.

Vous vous joindrez bien a nous Messire Gwilherm ?

Le regard de Marie est comparable a celui d'une biche apeuré.
Le flamand l'angoisse un peu...

Elle le prenait de haut, l'Intendante. Elle pensait probablement avoir à faire à un simple chef d'armée, un mercenaire, venu vendre sa nation à l'ennemi.

Je n'ai jamais gardé les vaches, MADEMOISELLE, même si, en votre compagnie, cette basse besogne ne m'eut pas été désagréable.

Un coup d'oeil sur sa cape ; en effet, on ne pouvait pas en vouloir à la Marie : Le Sanguinaire ne portait plus ni couronne, ni blason. Juste ses galons de Général. Et encore : auto-proclamé!

Ne vous fiez pas aux apparences, JEUNE FILLE. Certes, je ne suis plus qu'un gueu, aujourd'hui, mais je continue à tutoyer les Grands de ce monde.

La roture est un choix. J'ai sacrifié ma Baronnie de Renaix pour La Cause en laquelle je crois. Et ma Liberté d'Action. Mon Indépendance.

Lui aussi, fut vassal de la Couronne. Mais il fut déchu de son titre de baron pour avoir affranchi une ville flamande, en guise de protestation contre le pouvoir comtal. Un gars avec des principes et suffisamment de burnes pour les mettre en application.

Vous me prenez probablement pour un traître aux Flandres, une espèce de chef de guerre qui vend son Comté au plus offrant. Pas du tout : j'aime mon pays et j'oeuvre quotidiennement à la Grandeur de ma Nation. J'ai sacrifié une partie de ma vie pour les Flandres. Mais il y a un tas de choses que je n'aime pas dans mon Comté, corrompu par un carriérisme parisien et un arrivisme royaliste, qui obligent les Anoblis à fermer leurs gueules.

Etait-ce le bon moment pour lui lancer qu'il était aussi le filleul de la Princesse de France elle-même? Non, ce n'était surtout pas le bon endroit. Ni de lui dire qu'il fut le vassal d'un Pair de France. Slamjack était une espèce de Mouton Noir dans les Hautes Sphères. Le rejeton qui n'avait pas choisi la bonne voie.

Comme je le dis souvent : les Grands Hommes n'ont nul besoin de titre, leur Nom suffit.

A le voir ainsi en tenue de Seigneur de Guerre, Qui pouvait croire que ce grand gaillard aux manières cavalières était avocat, diplômé de l'Ordre du Dragon, Permanent au Parlement flamand, Bâtonnier du Barreau flamand, Professeur et Juriste émérite? Personne! Il aimait perpétuer la Légende selon laquelle il n'était doté que d'un seul neurone. Et encore : mal placé.

Guilaine, c'est ton nom? Et bien je te confirme : tu as bien fait d'en choisir un autre, en Flandres. C'est imprononçable. Comme le foufen.

Dit-il en postillonnant.

Le Baron Noir sentit le malaise du Breton, ex Médecin au sein des Forces Spéciales Flamandes. Parti comme un voleur. Mais le Général ne voulait pas revenir là-dessus : de l'eau avait coulé sous les ponts et il n'aimait pas regarder en arrière.

On en a fait, du chemin, depuis ton départ! Sais-tu que Nous commercialisons notre propre bière? La Moinette! Exclusivement brassée pour les FSF. Je te ferai goûter.

Le Bréhatin ne tarderait pas à expliquer à l'Intendante que les Forces Spéciales faisaient la pluie et le beau temps, en Flandres, et que quand Slamjack éternuait, c'était tout le Comté qui s'enrhumait. D'où sa présence en Bretagne : le Ponant avait certainement besoin de Lui. D'Eux. Pour ouvrir un autre front. Le pire qui soit : de l'intérieur.

Alors, Guilaine, dis-Moi ce que tu deviens, dans cette contrée belliqueuse?

Comment pouvait-elle savoir que les Flandres s'enrhumaient quand Slamjack éternuait? Probablement Brezhonneg qui lui avait déjà fait un topo.

Un Ego démesuré, Lui? Sans aucun doute! Mais comment pouvait-elle déjà l'avoir pressenti, alors qu'il ne lui avait fait état d'aucun de ses titres et qualités? Ce n'était pas vraiment le genre à se présenter en pavanant avec ses fonctions.

Bizarre cette fille. Le Baron Noir s'en détourna rapidement en poursuivant avec Gwilherm. L'Intendante ne méritait pas qu'il la courtise plus longuement.

Et donc, Guilaine, quoi de neuf? J'espère qu'il existe des filles moins prétentieuses, dans ton coin? Tu confirmeras pourtant que je fus poli avec elle, lorsqu'on me connait...

IL ne l'a même pas insultée, ni mis la main aux fesses. Le Général faisait un effort lorsqu'il n'était pas sur Ses Terres.

Le Baron Noir scruta à gauche, puis à droite. Pouvait-il parler ici? Certainement pas : les allées et venues au Château de Nantes étaient scrupuleusement fichées et il ne faisait aucun doute que des espions rôdaient dans les parages.

La guerre!? Quelle guerre?

Sourire du Sanguinaire. Regard entendu. Inutile d'en dire davantage.

Les nouvelles? Bah je ne suis plus le Baron de Renaix. Tout ça parce que j'ai affranchi Tournai. Et je ne suis plus non plus le Seigneur de Lys-Lez-Lannoy : j'ai rompu mon serment de vassalité pour protéger ma cousine Rosa du harcèlement héraldique que lui fait subir le Héraut Ascanain.

Je suis un gueu, désormais. Retour aux sources.

Sur un ton inquiétant, il ajoute :

Ca va faire mal!

Plus enjoué, Slamjack poursuit.

Mais tout va bien : Renaix est devenu un Vicomté et c'est ma fille, Malycia, qui en est la Suzeraine. Mieux qu'un héritage! Dont elle n'aurait de toute façon pas pu bénéficier puisque issue d'une union illégitime... Idem pour la Seigneurie de Lys-Lez-Lannoy qui revient à Camille Agathe, ma filleule. Tu sais? La petite dernière de la famille de Clairambault!