De Vergy à Dénéré-Malines, il n'y a qu'un carrosse

Tout est dit. Pourquoi faire simple quand on peut faire simple ? Après tout, le covoiturage est quelque chose de vachement utile et écologique, même au XVe siècle ! Enfin écologique je sais pas, mais confortable c'est sûr. Et le confort, en plein hiver, dans le Nord (bah oui la Bretagne c'est au Nord de la Guyenne) c'est pas du luxe, c'est de la nécessité !
Bref, tout ça pour dire que c'est dans le carrosse aux armes de la Vergy - bah oui il en a pas de carrosse, le Dénéré-Malines - que les deux compairs hérauts & poursuivants, tous deux invités au Sacre du nouveau Grand Duc mais pas par les mêmes personnes, arrivèrent ensemble après moult bavardages intempestifs et quelques jours de voyage, traversant maintes contrées entre Guyenne et Bretagne. En gros vous avez compris, ils ont pas envie d'attendre des lustres pour être accueillis.

Le cocher donc, très pompeux, lança au premier garde qu'il vit :

Veuillez annoncer Sa Grâce Elianor de Vergy, Duchesse de Bellesme et de l'Aigle, Vicomtesse de Jublains, Baronne de Lesparre, Castelnau de Médoc, Sillé le Guillaume, Mulsanne, Carlat et Château Rouge, Maréchale d'Armes royal et Héraut de Guyenne, reprise du souffle, parce qu'il en faut pour réaliser cet exploit de prononciation sans fautes ni oublis, ainsi qu'Eoghan de Dénéré-Malines, Seigneur d'Herrin, Académicien Royal de France et fils de la Chambellan et Archidruide de Bretagne, Sa Grâce la Duchesse de Cholet et Baronne de Bubry Chimera de Dénéré-Malines, ouai, de suite ça le fait moins, mais le coche avait cru bon d'en rajouter un peu histoire que le p'tit minet dans le carrosse se sente pas trop minable face à la Duchesse-Miniature.

Dans le carrosse, justement en face de ladite Duchesse, Eoghan se fendit d'un fou rire en entendant le cocher faire son monologue de présentation.

Je n'aurais jamais pu retenir tout ça moi-même !

Ses yeux d'un émeraude intense brillaient du fou rire qu'il venait d'avoir, puis après s'être calmé, rajouta d'un air perplexe et triste.

C'est étrange et... Revenir en Bretagne pour quelque chose d'officiel après tout ce temps. Je crains d'être aussi dépayser que vous.

Petit regard discret et gêné vers la poupée.

Curieuse comme une pie, la duqueseta avait passé la moitié du temps de voyage à regarder défiler par la fenêtre un paysage encore peu familier. Côte atlantique toujours, certes, mais si différente en Poitou et en Bretagne de ce qu'elle était à Lesparre! Voilà qui avait de quoi réjouir la poupée d'eau de mer, que son naufrage n'avait pas pour autant guérie de son intérêt pour les étendues d'eau salée.

L'autre moitié du temps avait été consacrée à la conversation avec son compagnon de route, qui décidément se révélait un jeune homme charmant dont l'humour enchantait la jeune quintefeuille. Et c'est avec un nouveau sourire creusant ses fossettes qu'elle accueillit sa remarque sur leur présentation pour le moins longuette à la barbacane du château grand-ducal.

Je reconnais que mon cocher s'en tire bien. La pratique sans doute: le pauvre craint tant de bafouiller en m'annonçant, je crois bien qu'il s'y entraîne en cachette pour éviter les sanctions!

Franchement amusée, elle ajouta une précision qui expliquait mieux les craintes du petit personnel.

Il servait ma mère avant moi, et celle-ci maniait le fouet... disons avec une certaine générosité! A tel point que mes gens n'ont pas encore réalisé que je n'avais point la même manie qu'elle.

C'est étrange et... Revenir en Bretagne
pour quelque chose d'officiel après tout ce temps. Je crains d'être
aussi dépayser que vous.

Touchée par l'air un peu gêné du jeune Dénéré, la quintefeuille posa gentiment sa menotte sur son bras.

Au moins nous serons deux à tout redécouvrir, ce sera plus amusant vous verrez! Venez, gagnons la cathédrale pour assister à la cérémonie. Les mondanités ne viendront qu'après, cela nous laisse le temps de nous y préparer.